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Historique des recherches sur la commune de Vauvert

par Claude Raynaud, septembre 2006

Avertissement au lecteur :

Le texte qui suit est extrait d’un rapport de recherche. L’enquête avait pour but de réunir la plus large information concernant l’occupation ancienne des cordons littoraux afin de préciser les conditions et l’évolution du peuplement ancien.
Il s’agit d’un document scientifique déposé sous sa forme première au Service Régional de l’Archéologie, à la DRAC de Montpellier. Ce texte a été allégé des détails techniques, de l’appareil critique et des renvois aux travaux antérieurs. Le lecteur pourra se reporter à la bibliographie pour en savoir plus, en ne perdant pas de vue que les publications anciennes se trouvent très largement remises en cause par les découvertes récentes. Comme les bras du Rhône, le cours de la recherche change parfois de lit ...

 

« Les places de Vauvert et de Q’Uella (Le Cailar) sont scituées en lieu fort advantageux, et particulièrement celle de Q’Uella, qui a un pont sur la rivière du Vistre sur le passage de ceux de Nismes pour aller picorer la campagne et pour conduire le sel de Pecquays dans Nismes ». On ne saurait mieux souligner l’intérêt régional du site de Vauvert qu’en citant ces observations stratégiques liées à la campagne militaire de Montmorency en 1627, sous le règne agité de Louis XIII.
Avec une superficie de près de 11 km2, Vauvert est l'une des plus vastes communes de la petite Camargue. Ce finage se développe sur près de 20 km dans le sens nord-sud et sur 3 à 6 km d'est en ouest. Le territoire se partage en deux parts presque égales, au nord la partie « continentale » qui correspond à l'extrémité de la Costière du Gard, au sud la partie palustre qui se développe autour des étangs du Charnier et de Scamandre puis au sud jusqu'au Petit Rhône jusqu'à Sylveréal.

Les recherches anciennes

Depuis le XIXe s., la ville de Vauvert a bénéficié de nombreuses recherches historiques. L'ouvrage le plus sérieux reste l'Histoire civile, religieuse et hospitalière de Vauvert publiée en 1919 par Prosper Falgairolle qui utilise une abondante documentation d’archives. Malgré des lacunes et quelques interprétations approximatives, voilà l’ouvrage de référence pour la période médiévale et moderne. Durant les années 1970, Emile Guigou, ancien maire de la commune, s’est attelé à nouveau à la tâche, produisant un travail particulièrement riche en ce qui concerne l'histoire agricole. C’est en 1978 que Jean-Jacques Vidal réalise un travail approfondi dans sa thèse sur Vauvert et les Vauverdois aux XVIIe et XVIIIe siècles. En 1983, P. Florençon dresse à son tour un bilan : Occupation du sol et églises rurales entre Rhône et Vidourle pendant l’Antiquité tardive, évoquant à partir des textes du Moyen Age plusieurs établissements aujourd'hui disparus. Dans les années 1990 enfin, Jean Cabot réalise des recherches à visée plus territoriale, s’intéressant notamment aux Anciens ports et moulins de Petite Camargue, apportant quelques documents nouveaux pour le bas Moyen Age et la période moderne.

La documentation archéologique est longtemps restée mince car aucune enquête n'avait été entreprise sur l'Antiquité et le Moyen Age. En ce qui concerne l’âge du Bronze, on enregistre en 1851 une découverte majeure lorsque 38 haches en bronze sont mises au jour près du domaine de Fontieule ; deux sont toujours au musée de Nîmes: que sont devenues les autres ?
Depuis le XIXe siècle, on a identifie le quartier de Saint-Sauveur de Védrines, situé en lisière de la commune près du Vistre, comme l'oppidum de Virinnae, nom donné par une inscription découverte à Nîmes. Après la découverte d'inscriptions funéraires, Félix Mazauric, conservateur du Musée de Nîmes, proposait d'y localiser un village gallo-romain. Au début du XXe s., l'hypothèse était renforcée par la découverte près de l'église Saint-Sauveur, détruite vers 1562,  d'un fragment d'inscription monumentale. Les indices demeuraient néanmoins maigres.
En 1998, lorsque notre équipe a réalisé la prospection systématique de la commune du Cailar, la découverte d'un vaste établissement protohistorique et gallo-romain sous l'emprise et aux abords du village du Cailar, a ruiné l’hypothèse vauverdoise car l'on peut désormais localiser Virinnae à l’emplacement même du Cailar, avec de solides arguments (voir la page du Cailar).

Aux origines de Posquières-Vauvert

Une question se pose en ce qui concerne l’occupation antique du site de Vauvert. En 1767, un autel portant l'épitaphe de Caius Julius Paternus a été découvert en réemploi dans un mur du château. Mais Falgairolle précise que l’inscription est citée parmi « les monuments et (les) instruments trouvés sur son territoire » : « le baron de Vauvert (la) fit alors incruster dans le mur de la terrasse du château, où elle se voit encore aujourd’hui ». Cela laisse donc une incertitude sur le lieu de découverte, quelque part sur le territoire de Vauvert. La localisation se fait plus précise à propos d’une autre découverte, celle d’un autel à Jupiter en 1894 dont Falgairolle, probable témoin oculaire, rapporte les circonstances: « lorsque la ville fit creuser le bassin des eaux sur la colline du Castellas », c'est à dire sur le site de l'ancienne motte castrale, le premier château.
Ces deux inscriptions antiques n'autorisent aucune interprétation par elles même mais elles prennent un certain relief lorsqu'on les met en relation avec la découverte d'une bouteille en verre gallo-romaine au Castellas. Si les stèles en pierre ont pu être déplacées, il est difficile de retenir le même scénario pour un récipient en verre dont la fragilité interdit d’imaginer un déplacement et un réemploi, ce qui incite à envisager la présence d'une sépulture du haut Empire. C'est bien peu pour conclure, aucun indice plus précis n'ayant été observé au Castellas, creusé par un château d'eau en 1894 puis transformé en jardin public. Il reste possible de supposer – mais avec beaucoup de prudence – l'existence d'un établissement gallo-romain d'ampleur inconnue. Cet établissement prendrait place dans le réseau occupant le flanc occidental de la Costière où l'on trouve, à intervalle de 1,5 à 3 km, un ensemble d'installations du haut Empire.
Des informations plus récentes concernent la découverte de sépultures à inhumation, non datées, en "divers endroits de la commune", ce qui n'aide guère l'interprétation. On dispose de plus de précisions à propos de la découverte en 1962 de sépultures au mas d'Anglas, découvertes qui prirent leur place dans la notice consacrée à ce lieu lors de l’enquête de 2002. Plus récemment, le développement des recherches de Frédéric Bazille (CNRS) sur la période Paléolithique a été couronné ces dernières années par les fouilles préventives réalisées dans le secteur de la Condamine, mettant au jour les vestiges d’un établissement paléolithique Magdalénien.
Après de premiers repérages opérés par notre équipe en 1991, l'inventaire archéologique de la commune a été réalisé en 2002, révélant une faible densité d'occupation avec seulement une dizaine d'établissements. Partie de la vallée du Vistre pour gagner ensuite le talus de la Costière, l'enquête est restée partielle, se limitant à l'étude des franges occidentale et méridionale de la terrasse caillouteuse où nous avons pu établir, sur plusieurs km carrés, l'absence d'occupation ancienne.

Eléments sur le peuplement local

Les recherches sur le terrain ont permis de localiser 12 établissements archéologiques qui enrichissent la connaissance et autorisent une première série d'hypothèses sur le peuplement de la bordure ouest de la Costière.
Hormis la découverte d'un éclat d'industrie Levallois au Mas de Patus, nos recherches n'apportent aucun élément concernant l'occupation paléolithique, déjà analysée par F. Bazille qui développe depuis de longues années l'étude de cette période. Le néolithique est représenté seulement par des indices épars : hache polie aux Piles Loin, éclats de silex, outils à la Jasse du Valat, au Puech de Lagnon, aux Mongettes et à la Font d’Amour. Ces éléments témoignent d’une occupation plus dense, malgré l’absence d’établissements qui s’explique probablement par les hasards de la recherche sur le terrain.

La période de l’Age du Fer demeure absente et la situation n’évolue guère au début de la romanisation. Seule la date précoce de l'établissement de la Rouvière, dans la plaine au pied occidental de la Costière, qui semble occupé dès le Ier s. av. J.-C., évoque un lien avec l'établissement pré-romain du Castellas, au Cailar, que nous avons proposé d'identifier comme le Virinnae de l'inscription géographique de Nimes.
C’est seulement vers la fin du Ier s. ap. J.-C. que le paysage s’anime avec l’émergence de deux établissements principaux, probables centres domaniaux, l’un en lisière de la vallée du Vistre, près du château de Candiac, l’autre en retrait au pied de la Costière, aux Piles Loin, et peut être un autre encore dont témoigneraient les découvertes épigraphiques sur l’emplacement de la motte du Castellas. C’est probablement autour de ces deux villae présumées que se diffusent les petites installations annexes, fermes ou bâtiments agricoles recensés essentiellement dans la plaine, à proximité des sols limoneux de la vallée du Vistre. Mais cette occupation demeure de faible intensité - comparable toutefois à ce que l’on observe dans la partie amont de la vallée, entre Candiac et Bernis - et se concentre sur la façade occidentale de la Costière, qui porte un réseau linéaire d'établissements de taille modeste, disposés à large intervalle de 1 à 3 km, entre la ville de Vauvert et le mas d'Anglas. La situation est tout autre sur le littoral où, depuis l'avancée de la Tour d'Anglas jusqu'à Franquevaux (commune de Beauvoisin), nous avons ratissé une aire de 400 m à 2 km de large sur 10 km de long : l'occupation se réduit, au haut empire, au seul établissement bien modeste des Bonnes Vignes, près de Fanquevaux. Le reste du littoral demeure désert de toute présence.

Vers le Moyen Age : transition ou rupture ?

Une rupture - ou une carence d’information ?- tranche ensuite le tissu du peuplement, qui n’est plus perceptible durant le haut Moyen Age. L’occupation se marque seulement à partir du XIe s., tant à travers le témoignage des textes que dans la documentation archéologique. Contensargues, Anglas, Noveta, Posquières, peut-être aussi Franquevaux avant la fondation cistercienne, forment un premier réseau de villae et de proto-villages, premier semis médiéval. Au Mas du Vistre, les ruines de la villa antique sont brièvement réoccupées, probablement en liaison avec la remise en culture du terroir environnant. Près de Contensargues, la découverte d'un paléosol recouvert par d’épais dépôts alluviaux témoigne de la succession érosion/dépôt, donnant un reflet de l'occupation tardive de la Costière, de son délaissement à la fin du Moyen Age, puis de sa reconquête à l'époque moderne.
Au XIIe s., l'abandon ou le lent dépérissement des habitats de Contensargues, d'Anglas et de la villa Noveta, marque l'émergence du nouvel ordre social, première étape du processus féodal qui recentre le peuplement au castrum de Posquières. Malgré les lacunes de la documentation archéologique, ces établissements s'inscrivent dans un scénario classique dans lequel une forte proportion de villae, d'origine carolingienne pour la plupart, périclitent à partir du XIIe s. sous l'effet du regroupement autour des châteaux seigneuriaux. Les petits centres ruraux végètent alors, n'accèdent pas au statut de paroisse et voient le territoire rattaché à leur église transformé en prieuré rural. Ce processus pose un problème d'histoire rurale, du XIIe au XVe s., qui mériterait une étude approfondie.

Le castrum domine alors le paysage social, singulièrement à Vauvert qui connaît au XIIIe s. un rayonnement exceptionnel. En 1270, déplorant la mort de saint Louis, voici ce qu’écrit le troubadour d’Aspols :

… Mon play faray a Posqueiras auzir 

Car a Valvert fa Jhesu-Crist guazir

Nostra-Damna ; e Dieu perdon sos tortz

A lo Loïc, le Rei frances qu’es mortz.

L’achèvement de la prospection systématique sur une vaste portion du pourtour de la Costière permet d’avancer un certain nombre d’éléments de synthèse, particulièrement en ce qui concerne le littoral lagunaire. Contrairement à ce que l'on observe entre Maguelone et la région de Lunel, où la zone des étangs a fixé un peuplement dense dès l'âge du Bronze puis, avec des fluctuations mais sans jamais s'estomper, jusqu'au XIIe ou XIIIe s., le rivage de la Costière demeure vide d'hommes jusqu'au cœur du Moyen Age. Cette relégation, que l'on pouvait pressentir à travers l'absence de découverte fortuite dans les anciens inventaires archéologiques, est désormais un fait avéré grâce aux prospections favorisées par la visibilité du sol et la faiblesse ou l'absence de recouvrement sédimentaire. Plutôt que d'invoquer l'insalubrité du milieu lagunaire, qui n'a pas gêné l'érection de centres majeurs comme l'évêché de Maguelone et l'abbaye de Psalmodi, on pourrait envisager une contrainte géologique, la nature des sols de la Costière qui, avec une forte teneur en galets siliceux abrasifs, a pu longtemps décourager la mise en valeur agricole. Malgré les vastes pâtures que pouvaient offrir ces terroirs, y compris en bord de lagune, malgré la voie commerciale qu'offrait le passage du Petit Rhône des Tourradons, aucune exploitation antique n'a pu se développer durablement. C'est seulement au Xe ou au XIe s. que le secteur s'anime, avec l'éclosion de premiers foyers de peuplement, à l'ouest l'éphémère paroisse de Saint-Martin d'Anglas, le hameau ou village près du Mas de Blisson, 5 km au Nord-Est (probable villa de Contensargues, tout aussi éphémère), enfin Franquevaux, encore 6 km vers l'Est. Les distances donnent une idée de la minceur de ce premier réseau, bien ténu si on le compare à l'occupation de la plaine entre Mauguio et Vauvert, où les villae carolingiennes et les établissements dispersés forment une densité deux à trois fois supérieure.

Dans ce contexte particulier d'un espace tardivement occupé, où les moines étaient réputés mener une existence d'ermites, au XIIe siècle, on pourrait être tenté d'attribuer l'initiative de la mise en valeur à la fondation monastique de Franquevaux. Ce schéma maintes fois éprouvé ne peut être retenu trop rapidement, l'abbaye prenant place au sein d'établissements préexistants depuis le Xe ou le XIe s. Sur le site même de Franquevaux, un habitat semble avoir précédé la fondation monastique, mais l'absence de vestiges architecturaux et de mention textuelle n'autorise pas à identifier le statut de cette première occupation : exploitation agricole, hameau, ébauche de village ? Tout ce que l'on peut observer c'est le faible impact de l'installation cistercienne sur le peuplement, puisqu'aucun habitat ne s'est agrégé autour de l'abbaye.
Au XIIe s., les terras cultas Francorum Valium jouxtent encore la Silva Pinenque. Au XIIIe s. encore, les textes donnent l’image d’un paysage peu humanisé, où les traces d’habitat se réduisent à quelques cabanes et où dominent les noms de lieu rappelant la présence de la forêt. En 1202, la silva Poscheriarum jouxte la silva sancti Petri (de Psalmodi). Ces noms de lieux forment une strate de fraîche date, puisant en majorité dans un lexique roman, d’un grande fraîcheur : vallatum Chausoni, Montem Albezonum, Furnos, ... Dans le même texte sont discutés l’usage des pâturages, les droits de pêche et de chasse au lapin, autour de l’église isolée de Sainte-Agathe, que l’on peut situer par une autre mention près du Petit Rhône. Dans le même temps, la fugacité de cette toponymie des XIII-XIVe s., qui n’a guère survécu jusqu’à nos jours, si ce n’est dans le nom de Scamandre et des Iscles, témoigne de la fluidité de ce paysage qui n’a cessé depuis de se recomposer.
L’activité semble s’intensifier au XIVe s., comme en témoignent les conflits récurrents opposant le seigneur de Posquières à l’abbé de Franquevaux, au sujet des droits de pêche dans l’étang de Scamandre et de pâture dans la Sylve Godesque, en 1394. Sur le Vistre aussi l'enjeu était vif, avec la construction de moulins. La plus ancienne mention concerne le moulin Doménégual, en 1378 à l’occasion de la dotation d’une chapelle de Notre-Dame. L’étymologie, du latin dominicatus, révèle l’ancien statut seigneurial du moulin, ce que confirme le règlement d’un conflit en 1537, qui établit que le moulin est un bien noble. Mais entre temps, un autre conflit révélait la densité des aménagements hydrauliques, ainsi la sentence de 1414 règlant l’approvisionnement en eau du moulin des Capellans, son nouveau nom depuis qu’il dépendait des chapelains (aujourd’hui moulin des Quatre Prêtres), et de son voisin le moulin de noble Etienne Raymond, aujourd’hui moulin d’Etienne.

Si les terroirs humides et la vallée du Vistre semblent concentrer toute l’attention et l’essentiel du peuplement, la Costière n’est pas totalement délaissée puisqu’en 1271 est mentionné un achat in Valle que vulgo appellat Bech, près du vallat de Valliouguès, où s’élève l’actuel château de Beck, 3 km au sud de Vauvert. Acquis par un moine, le bien est rétrocédé à l’abbaye de Franquevaux, sans qu’aucun habitat ne soit mentionné. L’image d’une mise en valeur se précise en 1328 lorsque l’abbé revend quelques parcelles, et c’est seulement par le compoix de 1535 que l’on apprend l’existence d’un mas autour duquel s’organise tout un paysage agricole, avec néanmoins encore un bosc. Le marché de la terre devient alors fort attractif, si l’on en juge par la succession des ventes dont fait l’objet le domaine, en 1541, puis en 1575, encore en 1578. Nouveau rachat en 1595, suivi en 1597 d’un aggrandissement opéré par l’achat des terrains contigus, puis nouvelle vente de la métairie et des terres en 1603. On s’interroge devant une telle valse des acquisitions : la terre ne serait-elle pas rentable, ou les revenus peu durables ?
La pression sur les ressources se précise donc dès le XVe s., avec de premiers conflits à propos du défrichement de la garrigue, dans la réserve seigneuriale qui semble prise d’assaut par les agriculteurs. En 1467 est rendue une sentence arbitrale qui révèle la fréquence des vols de bois . A cette recherche de combustible s’ajoute une faim de terre qu’entérinent plusieurs tractations portant sur des défrichements illicites de la réserve seigneuriale, que l'on « confond » de plus en plus fréquemment avec les biens communaux. Le processus s'accentue au XVIe s., le seigneur devant aller en justice pour défendre ses garrigues, dans les années 1550. Le phénomène semble se stabiliser au XVIIe s., puis les rompudes s’étendent à nouveau au XVIIIe s. Parallèlement à la garrigue, les zones palustres sont soumises à une égale convoitise, mais seulement à partir du XVIIe s. Plusieurs projets de dessèchement des marais de la Souteyrane, au sud de l’étang de Charnier et dans la réserve seigneuriale, sont envisagés aux XVII et XVIIIe siècles mais jamais réalisés. Ces échecs s’expliquent en partie par la difficulté des contraintes techniques, mais plus encore par la résistance de la communauté paysanne qui voit dans ces projets une menace directe contre les droits de pâture, de pêche et de chasse, précieuses ressources d’appoint, et parfois même ressources principales pour quelques familles.

Malgré cette conquête des terres de la Costière, la faible densité humaine demeure un trait constant près le Moyen Age. Au XVIIIe siècle encore, la carte de Cassini porte dans ce secteur un semis lâche de mas, la plupart sur le versant sud de la Costière. C'est seulement le développement de la viticulture de masse et la mécanisation qui, à partir de la fin du XIXe s., ont favorisé la mise en valeur de sols caillouteux et abrasifs, nécessitant un outillage adapté. La densité du peuplement a dès lors crû en conséquence, créant le paysage habité que nous avons sous les yeux.

Carte de Cassini, fin du XVIIIe siècle